Tra ieri e oggi due dei principali quotidiani di Italia e Francia si sono occupati di noi: Le Monde trattando del nostro lavoro nelle scuole in un articolo di Philippe Ridet che parla del “movimento” delle donne italiane, lo trovate qui sotto; il Corriere della Sera attraverso questo articolo del suo opinionista televisivo Aldo Grasso. Giudicate voi.

Une minute de silence, suivie d’un cri. Un hurlement pour dire “Basta !”. Dimanche 13 février, de Turin à Palerme, des dizaines de milliers d’Italiennes libéreront ainsi leur colère contre SilvioBerlusconi. Basta !, ses call-girls qui s’offrent au sultan en échange d’un petit rôle à la télévision, d’une place éligible sur les listes électorales ou d’argent. Basta !, les orgies du bunga-bunga. Basta !, ce modèle de femmes jetables et interchangeables dans lequel elles refusent de se reconnaître. Leur mot d’ordre : “Maintenant ou jamais.” Plus de trente ans après les grandes batailles des féministes italiennes pour le divorce (1974) et l’avortement (1981), une nouvelle vague voit le jour. Le déclic ? Les affaires Noemi, puis Patrizia, puis Nadia et enfin Ruby : autant de jeunes femmes, parfois mineures, qui ont fréquenté les nuits d’Arcore (la résidence milanaise de M. Berlusconi), jetant une lumière crue sur une “putanocratie” où la promotion des femmes est une question de tour de poitrine plus que de mérite.
Samedi 29 janvier, déjà, plusieurs centaines d’entre elles ont manifesté, une écharpe blanche autour du cou, derrière une banderole où l’on pouvait lire “L’Italie n’est pas un bordel”. Plusieurs associations ont vu le jour depuis ces révélations. L’une d’elles s’appelle Di nuovo (“A nouveau”). “Quand nous nous sommes réunies pour la première fois en 2009, explique une des fondatrices, Elisabetta Addis, nous avons pris conscience que tout était à recommencer. Notre intention de créer un réseau d’associations féminines capables de sélectionner des candidates aux élections a
été court-circuitée par le Rubygate. Nous avons dû nous mobiliser plus vite que prévu. Les femmes doivent devenir le premier sujet politique.”
Absence de mobilisation
Sur le blog de Di nuovo (Dinuovodinuovo.blogspot.com), on retrouve le gratin des Italiennes engagées : l’architecte Gae Aulenti, l’actrice Margherita Buy, l’éditrice Inge Feltrinelli, les réalisatrices Cristina et Francesca Comencini, la directrice du quotidien L’Unità Concita De Gregorio, des députées de gauche et quelques-unes de droite, la syndicaliste Susanna Camusso et même une religieuse, Rita Giaretta. Elles remontent au front, un peu amères : “L’Italie a eu le plus grand mouvement féministe d’Europe, explique Francesca Comencini, mais il n’y a pas eu de transmission aux générations suivantes.””Les féministes historiques n’ont pas assuré la maintenance des droits conquis. Tout le monde est retourné chez soi, croyant la partie terminée, regrette Nicoletta Dentico, responsable de l’association Filomena. Nous payons le prix fort de cette absence de mobilisation.”
A cette démobilisation correspond la montée en puissance des chaînes de télévision de Silvio Berlusconi, dans les années 1980. Les émissions où les femmes sont cadrées à hauteur de fesses ou de seins se sont installées sans rencontrer de réelle opposition. Le modèle féminin dominant (95-60-95) a peu à peu envahi les écrans et l’imaginaire érotique du président du conseil (infirmières nymphomanes et soubrettes accortes) s’est imposé à tout le pays. “Le machisme italien déjà très présent s’est ainsi trouvé conforté, dit Michela Marzano, auteure de Sii bella e stai zitta (“Sois belle et tais-toi”, Mondadori, non traduit) et professeure de philosophie à l’université Paris-Descartes. La femme a été réduite à un modèle
unique dans l’indifférence.”
La faute du mâle italien ? “Lui aussi est une victime de cette sous-culture”, préfèrent croire les néoféministes de 2010. Aussi engagent-elles les hommes à manifester à leurs côtés, estimant la guerre des sexes dépassée. “La question de la dignité des femmes renvoie à celle des hommes, et donc à la dignité des personnes en général, souligne Mme  Dentico. Il faut travailler tous ensemble, hommes, femmes, de droite comme de gauche, Italiens de souche et immigrés, si nous me voulons créer une alternative. Nous ne devons pas nous ghettoïser dans la cage du féminisme historique.”
Leur lutte d’aujourd’hui ne se concentre pas uniquement sur la représentation médiatique des femmes. Elles veulent dénoncer aussi une énième “anomalie italienne” : le taux d’emploi des femmes est l’un des plus bas d’Europe (46 % contre 68,6 % pour les hommes). “En Italie, la politique sociale repose sur les femmes, explique Mme  Dentico. Quand il faut sacrifier quelqu’un pour s’occuper des enfants ou d’un parent âgé, c’est vers elles qu’on se tourne. Nous avons obtenu la parité, mais tout le reste manque. Il faut faire émerger les femmes normales, qui travaillent, réussissent sans se  vendre.” “Maman ou putain, ce n’est pas un choix, mais un double piège”, s’indigne Michela Marzano.
Acculturation
Ce nouveau modèle ne semble pas encore séduire les jeunes générations. Lundi 31 janvier, le quotidien de centre gauche La Repubblica a publié un sondage de l’Institut Demo & Pi. A la question “Comment jugez-vous le comportement du premier ministre ?”, 46 % des Italiens se disent “indulgents”. Et seules 37 % des femmes entre 18 et 29 ans considèrent le comportement de M. Berlusconi comme “irrespectueux” envers les femmes… “Cela ne me surprend pas, explique Mme Dentico. Les jeunes ont été biberonnés à cette sous-culture. Si 20 000 jeunes filles sont prêtes à faire la queue pour le casting d’une émission de télé dégradante, accompagnées par leurs mères, c’est le fruit de cette acculturation.”
Mettre en lumière l’humiliation quotidienne des femmes à la télévision, c’est le travail de Lorella Zanardo. Depuis deux ans, elle présente dans les écoles son film Il Corpo delle donne (“Le Corps des femmes”). Vu par 3 millions de personnes, ce documentaire (devenu un livre, puis une association) est un montage des images les plus dégradantes que le petit écran peut offrir. Devant des assemblées de 200 élèves parfois choqués qu’on puisse critiquer leurs émissions préférées, elle décrypte les images : “Cela peut prendre dix ans ou plus. On change les choses non pas seulement en protestant, mais en agissant sur le terrain, concrètement.” “Tout le monde se demande pourquoi l’Italie est devenue un pays sous hypnose, sourit Cristina Comencini. Et si c’était nous qui allions le réveiller ?”
Philippe Ridet